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Contrat de travail

Pour prouver un contrat de travail apparent, les bulletins de salaire peuvent suffire

En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à celui qui en invoque le caractère fictif d’en rapporter la preuve. La Cour de cassation précise que la production, par un associé, de bulletins de salaire et d’un contrat de travail non signé mentionnant l'existence d'une déclaration préalable à l'embauche suffit à démontrer l’existence d’un contrat de travail apparent. Il n’a pas à produire cette déclaration ni à démontrer qu’il a effectivement encaissé les salaires correspondants.

Charge de la preuve de l’existence d’un contrat de travail : rappels

La preuve de l’existence et de l’exécution d’un contrat de travail incombe en principe à celui qui l’invoque (cass. soc. 3 juillet 1991, n° 88-40107).

Toutefois, en présence d’un contrat de travail apparent, la charge de la preuve est renversée. Il incombe à celui qui invoque le caractère fictif de ce contrat d’en rapporter la preuve (cass. soc. 18 décembre 2000, n° 98-41178, BC V n° 425 ; 10 mai 2012, n° 11-18681, BC V n° 136 ; cass. soc. 21 octobre 2020, n° 19-16855 D).

Le contrat de travail apparent concerne le plus souvent des dirigeants (mandataires sociaux, gérants) ou associés. La notion de contrat de travail apparent a été précisée par la jurisprudence.

La Cour de cassation a notamment jugé que la seule production de bulletins de salaire permettait de démontrer l’existence d’un contrat de travail apparent (cass. soc. 6 juillet 2016, n° 15-14971 D ; cass. soc. 30 avril 2014, n° 12-35219, BC V n° 107, rendu à propos d’un cas de cumul entre un contrat de travail et un mandat social).

Un associé se prévalait de l’existence d’un contrat de travail apparent

Dans cette affaire, un associé d’une société, non titulaire d’un mandat social, qui estimait avoir été engagé par cette société selon un contrat de travail à compter du 2 avril 2012, a saisi la juridiction prud'homale le 23 avril 2013 pour obtenir le règlement de ses salaires.

La société ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 8 avril 2014, le salarié a saisi à nouveau, le 18 décembre 2015, la juridiction prud'homale pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société diverses sommes.

Il produisait, à l’appui de ses demandes, un contrat de travail non signé mentionnant l'existence d'une déclaration préalable à l'embauche (DPAE) et des bulletins de salaire pour la période du 2 avril 2012 au mois de décembre 2012.

Il considérait que ces éléments démontraient l’existence d’un contrat de travail apparent. Il appartenait donc, selon lui, au liquidateur judiciaire de prouver que ce contrat était fictif pour faire échec à la reconnaissance de sa qualité de salarié et à ses demandes.

Pour la cour d’appel, pas de contrat de travail apparent sans encaissement des salaires correspondant aux bulletins de paie produits ni DPAE

La cour d’appel a débouté l’intéressé de ses demandes.

Elle a effet considéré qu’il n’établissait pas l’existence d’un contrat de travail apparent, puisqu’il ne démontrait pas avoir encaissé les salaires correspondant aux bulletins de salaires produits pendant l'année 2012 et qu’il n’avait pas produit la déclaration d'embauche visée au contrat de travail non signé, alors qu'il était dans le même temps associé dans la société.

C’était donc à lui, selon la cour d’appel, de démontrer qu'il avait la qualité de salarié de la société. Cette preuve n’étant pas rapportée, la qualité de salarié ne pouvait donc pas lui être reconnue.

Contestant cette décision, l’associé s’est pourvu en cassation.

Pour la Cour de cassation, la seule production d’un contrat de travail non signé et des bulletins de salaire suffit

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

Confirmant sa jurisprudence de 2014 et de 2016, elle juge en effet que la production par l’associé d’un contrat de travail non signé mentionnant l'existence d'une DPAE et de bulletins de salaire suffit à prouver l’existence d’un contrat de travail apparent.

Après avoir rappelé qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve, elle en déduit donc que la cour d'appel, en retenant à tort qu’il n’y avait pas de contrat de travail apparent, a inversé la charge de la preuve.

L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel afin d’être rejugée.

Cass. soc. 13 avril 2022, n° 20-23668 FD